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Pour ou contre la mort de l’open space ?

Dernière mise à jour : 9 sept. 2022

Avec la crise sanitaire, près de 5,2 millions de personnes ont été plongées en télétravail, souvent sans la moindre préparation. Post-confinement, l’heure est au bilan et les entreprises commencent à réfléchir à l’organisation du monde d’après. Une question est au coeur du débat : le télétravail va-t-il enterrer l’open space ?



“L’open space est mort bien avant le Covid-19”, écrit Nicolas Bouzou, économiste et essayiste. Le 13 mai dernier, il signe une tribune intitulée “Coronavirus et télétravail signent la petite mort du bureau” publiée dans L’Express, dans laquelle il invite à repenser la vie en entreprise. “Le bureau est le lieu de la convivialité et la maison est le meilleur endroit pour se concentrer”, compare-t-il. Et d’ajouter : “Après l’expérience du confinement, nombreux sont les collaborateurs qui n’ont pas envie d’y retourner”. Mais alors qu’est-ce qui cloche dans ces bureaux où nous passons la plupart de notre vie professionnelle ?


34% des actifs français partagent l'espace à plusieurs, dont 12% avec plus de dix personnes, selon le baromètre 2019 d'Actineo, l'observatoire de la qualité de vie au travail. Bien avant, le Covid-19, plusieurs études réalisées auprès des salariés avaient déjà montré combien ces derniers vivaient mal la vie professionnelle en open space. L’argument en faveur d’une communication facilitée a été balayée par une étude de Stephen Turban et Ethan Bernstein, tous deux professeurs à Harvard Business School. L’enquête publiée en 2018, révèle que l’open space favorise les discussions électroniques par mail et par messagerie instantanée, au détriment des conversations en face-à-face.


Pour autant, avant la crise, l’open space était toujours là et pas une entreprise ne construisait de nouveaux bureaux sans intégrer dans ses plans des espaces partagés. Mais des voix s’élèvent pour expliquer que la crise, ayant montré que d’autres formes de travail existaient, marquerait la fin de l’open space. Dans notre match de cette semaine, Bernard Salengro, président du syndicat général des médecins du travail reconnaît l’importance de repenser l’organisation du travail tout en pointant les dangers d’une précipitation. De son côté, Élisabeth Pélegrin-Genel, architecte, urbaniste et psychologue du travail plaide pour une nouvelle version de l’open space. Pour elle, “ce lieu n’a jamais été apprécié des collaborateurs”.



Contre la fin de l’open space : Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail


“La crise sanitaire a donné un nouvel élan au télétravail et il est évident que les entreprises seront tentées de prioriser ce mode de travail pour faire des économies. Pourquoi continuer à garder les salariés en présentiel quand le télétravail apparaît comme la solution idéale à tous nos problèmes : réduction du temps de transport, plus de concentration pour les collaborateurs, augmentation de la productivité… Côté entreprises, elles y voient même une éventuelle rentabilité. Si les employés font moins de présentiel, elles pourront réduire la taille des locaux et faire des économies sur l’immobilier.


En théorie, ça fonctionne. Mais, attention aux fausses bonnes idées. La situation reste complexe. L’open space est souvent décrié et présenté comme une source de stress… Posons-nous alors la question : on abandonnerait l’open space pour aller vers quoi ? On vante beaucoup les mérites du flex office, mais cette organisation favorise l’isolement des collaborateurs.


Le flex office ira de pair avec une hausse du télétravail. Or, je tire aussi la sonnette d’alarme sur les dangers liés au manque d'interactions comme la fatigue, l’isolement… mais aussi la perte de la richesse du travail collectif, on ne travaille jamais seul. La démocratisation du travail à distance diminue la frontière entre la vie personnelle et professionnelle qui devient de plus en plus floue.


Abandonner votre espace de travail entraîne un effort d'abstraction plus important donc une grosse charge mentale. Quand vous êtes à l’extérieur de l’entreprise, il n’est plus aussi aisé d’avoir recours à la protection d’un délégué syndical ou de la médecine du travail qui peut vous accompagner en cas de difficultés avec un manager.


Par ailleurs, les bureaux sont des lieux qui permettent de maintenir l’unité des équipes. La créativité, par exemple, se nourrit de l’intelligence collective que l’on retrouve en open space, dans les couloirs ou encore à la machine à café. Beaucoup de bonnes idées naissent lors de réflexions de groupe qui se font plus ou moins de manière informelle. Cette émulation est impossible quand on travaille chacun de son côté.


Autre avantage de l’open space, un manager peut - en un coup d’œil - prendre la température et repérer un collaborateur qui croule sous les dossiers. Cette vision globale permet de mesurer l’ambiance de l’équipe et de mieux répartir la charge de travail, si nécessaire.


Si vous êtes en flex office ou en télétravail... Qui verra que vous allez mal ? Personne ne remarquera votre pile de dossier. Il n’existe pas de solution idéale, mais pour la cohésion d’équipe et le bien être des salariés, aujourd’hui la moins mauvaise des solutions sera celle issue de longues discussions entre les salariés, leurs représentants et le médecin de travail. Les entreprises ont intérêt à coconstruire avec les collaborateurs.



Pour la fin de l’open space : Élisabeth Pélegrin-Genel est architecte, urbaniste et psychologue du travail.


“La crise du coronavirus nous a permis de repenser notre rapport au travail. C’est l’occasion de se demander : pourquoi faut-il se rendre au bureau ? Soyons honnêtes, les lieux de travail n’étaient guère appréciés et plus personne n’a envie de faire une heure et demie de trajet pour aller au boulot tous les jours.


Pour autant, il est utile pour des salariés de se retrouver, et pas seulement pour la convivialité qui est un facteur important, mais parce que certaines réunions et les échanges informels sont plus efficaces en présentiel. Seulement, si on va au siège que pour des réunions, est-ce utile d’investir autant dans des espaces personnels ? L’open space doit s’adapter et évoluer !


D’ailleurs, même avant le Covid-19, on était déjà au bout de ce modèle. Ce lieu n’a jamais été apprécié par les salariés. Dans certaines entreprises, les collaborateurs se plaignaient d’être entassés comme des sardines. Les quatre mètres carrés imposés par les réglementations sanitaires vont permettre de dé-densifier l’open space. Cette configuration moins dense va offrir plus de calme, plus de confort et faciliter la concentration des collaborateurs.

Pour des raisons de sécurité, certaines entreprises évoquent l’idée d’installer des plexiglas. Je salue cette initiative qui permettra aux collaborateurs de retrouver un peu plus d’intimité car nombreux sont ceux qui se plaignaient d’être surveillés. Mais là encore, ils vont se retrouver dans une posture assez bizarre, un peu comme des souris dans des labyrinthes. D’autres vont plus loin et adoptent le modèle du flex office (des ­bureaux impersonnels où chacun s’installe en fonction des places disponibles, NDLR). Ce type de réaménagement va de pair avec une démocratisation du télétravail. Des grands groupes comme PSA sont très avancés dans le travail à distance. Début mai, le constructeur a annoncé qu’il prévoit de conserver les habitudes prises pendant le confinement pour franchir une nouvelle étape. L'objectif est de ramener à un jour et demi par semaine en moyenne la présence sur site des collaborateurs, ce qui passerait de 18.000 à 38.000 collaborateurs à distance.

Dans le contexte actuel où l’hygiène est une priorité, le flex office permet de plus facilement nettoyer les bureaux qui ne sont plus recouverts d’affaires personnelles. On peut imaginer que désormais, les collaborateurs n’aient plus qu’un clavier et une souris attitrés. Sur le plan économique, cette organisation est avantageuse pour l'entreprise qui peut ainsi réduire le coût de l’immobilier. Est-ce une bonne ou une mauvaise idée, quand on sait qu’avec les RTT, les collaborateurs en congé, les bureaux ne sont utilisés qu’entre 40 et 60% de leur capacité ? La crise du coronavirus invite les entreprises les plus réticentes à se poser la question et repenser les conditions de travail collectif.

Au-delà du flex office, la crise sanitaire relance l’attractivité des tiers lieux. Ceux qui ne veulent pas rester chez eux pourront se diriger vers des espaces de coworking. Mais ces changements en profondeur de nos modes de travail n’auront lieu que si la confiance règne ! Les managers auront l’obligation de s’adapter.











Source: start.lesechos.fr






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