La formation traverse depuis quelques temps une profonde transformation, bousculée par une nouvelle vision de l’apprentissage, des évolutions technologiques et des changements de pratiques de travail. Ce changement de façon de concevoir et d’animer les formations constitue pour les entreprises un enjeu majeur, et il n’est pas évident pour ces dernières d’intégrer toutes ces nouvelles notions. Alors, pourquoi et comment former au mieux ses salariés ? Entre contraintes et opportunités, entre instantanéité et pérennité, comment s’adapter à cette nouvelle réalité ?
Les différentes modalités de formation
Lacune dans le recueil de besoin, manque de communication, problèmes de logistique... Organiser et dispenser une formation est loin d'être facile, mais y assister ne relève pas toujours de la simplicité non plus !
La logistique des formations présentielles est un problème fréquemment posé. Au-delà de la disponibilité de toutes les parties prenantes, qui est aussi un enjeu en distanciel synchrone, la formation présentielle requiert un déplacement, que ce soit du côté du formateur ou de celui des apprenants et entraine une démobilisation totale tout au long de la durée de la formation. Les entreprises ont souvent tendance à évaluer ce coût de déplacement, mais à totalement sous-estimer le coût indirect engendré par l'improductivité de l'apprenant durant la formation présentielle. Ce format peut rester peu dynamique si l'information est très descendante et que la proportion de théorie avec un aspect de cours magistral est dominante.
Pourtant, l'atout principal mis en avant des formations présentielles est souvent leur capacité à faire échanger les stagiaires autour d'exercices. Les jeux de rôles, par exemple, sont d'ailleurs difficilement transposables en distanciel. Pour Thierry Penaux, « une formation où l'on met en situation des stagiaires physiquement l'un en face de l'autre ou l'un à côté de l'autre, où l'on souhaite qu'il y ait confrontation des avis dans un débat, dans une posture, dans une action d'échanges, et des réactions avec les stagiaires entre eux, par exemple sur la gestion d'une réunion ou la gestion de contrats avec échanges et désaccords », nécessite du présentiel. Idéalement, une formation présentielle doit ainsi réunir des petits groupes d'apprenants pour favoriser les interactions, discussions et débats.
Côté formation distancielle, on entend souvent parler de e-learning au sens d'un contenu digital mis à disposition de l'apprenant sur une plateforme, qui sera amener à le « consommer » seul devant son écran. Si ce format, quand il est composé de différentes briques de formation courtes, peut être très pratique pour s'adapter à la disponibilité parfois très restreinte des apprenants (accès libre sans contrainte d'horaires, disponibilité hors ligne, micro learning, etc), il entraine souvent peu voire pas du tout d'interactions entre pairs ou avec le formateur et peut donc engendrer assez rapidement un sentiment de lassitude, voire d'isolement. En effet, les chats et forums qui peuvent être présents offrent la possibilité d'échanger mais pas en temps réel et de manière non exhaustive.
Avec la crise sanitaire, le choix entre présentiel et distanciel est assez vite réglé : la logistique était déjà une problématique pour les formations présentielles, mais les nouvelles règles sanitaires imposent à présent encore plus de contraintes. C'est donc naturellement vers le distanciel que s'orientent et vont sans doute continuer à s'orienter les formations. Mais les modalités en distanciel sont elles aussi variées.
Une autre interrogation émerge alors : comment susciter l'intérêt et la motivation des apprenants à distance ? C'est là qu'intervient un déplacement du questionnement : on passe d'un choix entre « en classe devant le formateur » et « seul devant son ordinateur à la maison » à un choix entre « en simultané avec le formateur à distance » et « en contact différé avec le formateur ». Nicolas Hernandez l'affirme : « La question n'est plus « digital ou présentiel » mais « synchrone ou asynchrone ? ».
Les moments synchrones auront tendance à être plus mobilisateurs. Ils impliquent un rendez-vous fixé à l'avance, à l'occasion duquel les participants pourront apprendre de manière interactive par des échanges avec le formateur et les autres apprenants, qui seront d'autant plus humains, plus naturels voire parfois informels (anecdotes, ...) s'ils sont oraux (lors d'une classe virtuelle par exemple). Ce sont des moments sociaux qui se rapprochent en cela des formations présentielles.
Les moments asynchrones peuvent être une opportunité de travail en autonomie, seul ou en petits groupes (exercices, lectures, etc), qui permettent de prendre du recul sur les contenus de la formation et de préparer des questions et sujets à aborder lors des sessions synchrones. Les échanges n'en sont bien sûr pas exclus, au contraire, puisqu'ils peuvent prendre la forme de forum, discussion de groupe, chats, etc. Il est important de garder un lien avec les autres acteurs de la formation même en asynchrone.
L'alternance d'épisodes synchrones et asynchrones crée une variation du rythme de la formation et favorise l'ancrage des connaissances sur la durée. Ces différents modes sont complémentaires pour composer une formation dynamique et efficiente, en gardant toujours les échanges au cœur du dispositif de formation.
« On ne détient pas la vérité, mais une vérité à un instant t par rapport à une connaissance, et il est important de l'éclairer à la lumière des expériences de chacun. » Thierry Penaux, formateur chez Horisis Conseil
Les outils de la formation digitale
Dans une société où tout s'accélère, les demandes concernant les formations intègrent aussi un critère de temps : on veut des formations conçues, livrées et diffusées toujours plus vite, avec des contenus toujours plus rapides et accessibles.
Mais si la vitesse est un critère qui fait mouche, cela n'oblitère pas celui, plus important encore, de la communication entre pairs. Dans la période de pandémie où les formations présentielles, et donc les échanges physiques, étaient impossibles, un enjeu essentiel s'est intensifié pour pallier la distanciation : mettre en valeur la dimension collaborative des formations. Quand Nicolas Hernandez présente sa plateforme 360Learning, il parle d'ailleurs de « collaborative learning », valorisant, depuis la naissance de leur projet en 2014, les formations basées sur des échanges entre pairs, formateurs et experts inclus. « La formation se passe entre des êtres humains, entre une personne qui apprend d'une autre personne, et pas d'une personne qui apprend d'un programme informatique » précise-t-il. C'est pourquoi on y trouve des systèmes de messagerie instantanée, forum et autres « tchats », qui permettent d'échanger et de partager par groupes ou individuellement, de manière publique ou privée, avec ou sans formateur, avec ou sans pièce jointe, pour demander ou apporter de l'aide.
Le confinement dû à la crise sanitaire, s'il a été source de nombreuses contraintes et adaptations, a donc été aussi révélateur de nouvelles façons de former et de se former. Il a donné l'occasion de découvrir des outils, de mieux utiliser les dispositifs existants et d'exploiter pleinement le potentiel des solutions collaboratives : visioconférence, webinaires, classes virtuelles, brainstorming, tableau blanc interactif, partage d'écrans, mur collaboratif...
D'autres outils ont aussi pu nourrir les formations digitales : les ressources de création de contenus.
On trouve aisément des solutions sur le web pour créer des vidéos, des présentations animées et interactives, des jeux, etc, qui s'ajoutent aux logiciels techniques (type Suite Adobe). Ces supports viennent compléter les moments d'échanges synchrones en diffusant de l'information de manière dynamique et ludique.
Les plateformes LMS (Learning Management System) permettent l'utilisation de ces nombreuses ressources, soit par l'import de fichiers multimédia proposés en lecture ou en téléchargement aux apprenants (présentations, pdf, vidéos, modèles de documents, etc), soit par l'intégration directe d'outils externes.
Ainsi, ces plateformes d'apprentissage permettent de regrouper les contenus et de les mettre facilement à disposition des apprenants de manière structurée. Cette structuration est nécessaire pour dessiner un cheminement formateur et faire évoluer le stagiaire tout au long de son parcours professionnel. L'UDI a de ce fait développé et breveté sa propre plateforme pédagogique, MonCap, pour accompagner les stagiaires avant, pendant et après chaque formation : "On avait aussi besoin d'un contenu personnalisable pour le stagiaire, qui se connecte via le compte personnel qu'il aura créé. Il va ainsi retrouver l'ensemble de ses cartes de formations, qui correspondent aux formations qu'il aura suivies tout au long de sa carrière professionnelle", précise Pierre Gibbe.
Les outils et plateformes se distinguent bien souvent aussi par leur ergonomie. En effet, pour faciliter leur appropriation, ils se doivent d'attirer les utilisateurs par leur esthétique et leur praticité. Personnalisation, gamification, démonstration : les plateformes misent ainsi sur une prise en main facile et impliquent les apprenants en motivant leur participation par des « récompenses » (badges, classements). Pour Pierre Gibbe, l'esthétique est aussi une marque de respect envers l'apprenant. Parfaire le visuel d'une formation permet de mieux porter son contenu, dans le but de faciliter la diffusion de l'information et l'assimilation des connaissances.
En résumé, les plateformes LMS et autres outils digitaux sont des ressources utiles aussi bien pour l'équipe de formation que pour les apprenants. Mettre l'apprenant au cœur du dispositif d'apprentissage, l'aider à être acteur de son parcours professionnel, sont des enjeux cruciaux pour des formations réussies. L'objectif est de dépasser l'approche du e-learning sous forme d'apprentissage individuel pour éveiller l'intérêt des apprenants dans une perspective collaborative, aussi bien entre pairs qu'avec le formateur. Ainsi, si maitriser les outils digitaux semble un prérequis inévitable, il est loin d'être suffisant pour concevoir des formations pertinentes qui répondront aux besoins des apprenants. « Le digital, finalement, n'est qu'un moyen d'atteindre l'objectif qu'on s'est fixé » confirme Pierre Gibbe.
La formation comme levier de performance collective
L'évolution des pratiques de travail et de formation, accentuée par la crise sanitaire, a fait émerger une nouvelle approche de la formation et de l'ingénierie pédagogique qui la sous-tend. La formation, quand elle répond aux besoins des salariés, est aussi un levier de performance pour l'entreprise. Son évolution suit d'ailleurs les transformations de la société : attentes des salariés, crise sanitaire, logiques budgétaires, etc : la formation est un moyen de faciliter les changements au sein d'une organisation. C'est par exemple l'un des rôles de l'UDI, qui accompagne SNCF Réseau dans son évolution de la gestion de l'externalisation : « Il faut passer d'une posture de savoir-faire à une posture de savoir faire faire », nous explique ainsi Pierre Gibbe.
La première raison d'être des formations est sans conteste la montée en compétences de chaque individu. Apporter régulièrement des connaissances théoriques et pratiques à ses salariés sur les domaines de prédilection de l'entreprise est bien sûr une condition sine qua none de la pérennité des savoir-faire et savoir être du personnel. L'e-learning peut s'illustrer dans ce cas pour rendre certaines connaissances de bases accessibles à tout moment (bases théoriques sur les métiers de l'entreprise, utilisation d'outils, astuces et méthodologie, etc). Thierry Penaux complète : "C'est aussi pour les entreprises une manière de faire passer un certain nombre de stratégies, donner des nouvelles orientations de la part de la direction, faire prendre conscience d'un certain nombre de sujets progressivement. Transformer l'entreprise lorsque c'est nécessaire, améliorer le climat social aussi."
Former ses équipes peut donc aussi permettre de faire passer des messages transversaux sur l'entreprise et son évolution. Ainsi, des sessions d'onboarding vont permettre de diffuser les valeurs de la compagnie et bonnes pratiques de la vie quotidienne entre collègues, quand des séances orientées sur le savoir-être vont faire évoluer la communication interpersonnelle, ou encore des ateliers font faire connaitre les modifications structurelles ou stratégiques de l'organisation. Ainsi, pour Nicolas Hernandez, « La formation doit se mettre au service de la performance ».
Les modules en ligne pourront alors être complétés de modalités de formation permettant de s'adapter au rythme de chacun : sessions en présentiel mais aussi formation action, coaching, support à distance (type hotline), team building...
Quand les modalités sont multiples, on comprend d'autant mieux l'importance du travail amont sur l'enchainement et le rythme des briques de connaissances. L'articulation entre les différentes étapes d'une formation est essentielle pour faire assimiler les informations et faciliter leur mise en application.
Celle-ci nécessite une ingénierie pédagogique bien rodée qui, de réunions en réflexions, permettent de se mettre à la place de l'apprenant, toujours dans le but de répondre à des objectifs stratégiques et pédagogiques bien définis.
Que ce soit pour accompagner une conduite du changement, entretenir le climat social ou repérer des talents, la formation va au-delà de la « simple » montée en compétences individuelle des salariés. Elle implique donc l'intervention de compétences à géométrie variable, et nécessite le recours à des profils variés.
Les compétences requises pour l'ingénierie pédagogique
Les objectifs des formations évoluent pour dépasser la montée en compétences ; le formateur a donc plus qu'une mission de transmission, et doit s'entourer de personnalités diverses pour optimiser l'ingénierie pédagogique.
Le formateur fait face à de nouveaux enjeux. Non seulement on attend toujours de lui qu'il soit expert sur ses sujets de formation pour pouvoir bien les enseigner, mais il doit aussi être connecté et coopérer. Le formateur n'est plus uniquement un sachant qui donne, transmet son savoir, il doit aussi être facilitateur dans les échanges et le partage, donc animateur des discussions, et même « coach » pour accompagner individuellement chaque apprenant de façon personnalisée. Il doit donner envie de participer et d'y revenir, se rendre disponible, et être convaincu lui-même du bien-fondé de ce type de formation. Tout ça aussi bien en présentiel qu'à distance : en plus de son expertise technique, il doit donc bien sûr avoir des compétences humaines et sociales mais aussi des aptitudes digitales pour maitriser les outils. Comme Pierre Gibbe le précise, « son rôle évolue, parce qu'il a de plus en plus d'outils, de choses à disposition et il va être un chef d'orchestre de la formation, en activant différents outils et en proposant différents contenus. Il doit aussi se former à l'usage de nouveaux outils, qui permettent de diversifier les approches ».
Pour répondre à l'ensemble de ces besoins, le travail de conception et d'organisation ne peut être assumé par un formateur seul ; c'est pourquoi c'est toute une équipe qui doit être mise à contribution pour aboutir à une formation. Afin de prendre en compte la diversité des profils et de leurs organisations dans la construction du séquencement, cette équipe de formation doit ainsi impliquer :
Les ressources humaines, à même de connaître les besoins de l'entreprise et de ses collaborateurs. Elles ont accès à des données qui peuvent permettre de bien cerner l'audience cible de la formation.
Les responsables métier et experts, qui apporteront un point de vue pointu sur les sujets techniques ou spécifiques, avec des références et anecdotes éloquentes.
Les managers et responsables opérationnels, qui pourront être des alliés précieux aussi bien en amont des formations (apporter un point de vue différent, identifier les besoins, dégager du temps, présenter la démarche à leur équipe) qu'en aval (évaluer les connaissances, faire des retours concrets de l'impact des formations sur le quotidien de leur équipe). En étant impliqués régulièrement, ils verront que leur feedback compte, et seront donc convaincus de la valeur des ressources fournies par les formations et du temps qui y est consacré.
Pour mobiliser cette équipe, il peut aussi être nécessaire d'aller chercher des compétences en externe. Bien que certaines choses s'apprennent avec l'expérience, on ne s'improvise pas ingénieur pédagogique, graphiste, et encore moins formateur ou expert. Le formateur lui-même est bien souvent externe à l'entreprise. D'une part, toute entreprise ne dispose pas forcément de formateurs internes pour répondre à leurs besoins. D'autre part, il peut parfois être plus facile de faire passer certains messages par une personne externe à l'entreprise, qui n'aura pas le même historique ni la même objectivité envers l'organisation. Thierry Penaux nous confie ainsi que « le formateur peut aussi un peu avoir, quelque part, un rôle de bouc émissaire, délibérément, ce qu'on fait souvent dans la conduite du changement, pour permettre tout doucement au personnel d'accepter un certain nombre de nouveautés, de nouvelles manières de faire, de nouveaux principes, de nouvelles pratiques, et dans un premier temps d'avoir la possibilité de refuser plus facilement ces pratiques, pour les adopter progressivement ».
Externaliser certaines démarches peut non seulement apporter de nouvelles compétences, mais aussi représenter un gain de temps, permettant de recentrer les activités de l'entreprise sur son cœur de métier et d'expertise.
Si certaines entreprises considèrent la formation au sens large comme stratégique et cherchent à développer une offre de formation interne exhaustive, d'autres font au contraire le choix opposé. En effet, de nombreux acteurs procèdent désormais à une segmentation nette : les experts techniques sur leur cœur de métier en interne, les compétences d'ingénierie pédagogique et de modélisation de cursus de formation en externe. Ce compromis évite aux entreprises de devoir investir sur un panel de compétences trop variées (graphiste, ingénieur pédagogique, intégrateur de LMS), et leur permet de se recentrer sur leur expertise, leur besoin, leur stratégie.
En ce sens, le lien entre l'entreprise et le prestataire d'ingénierie pédagogique n'est pas à raisonner comme une relation « Client - Sous-traitant », mais bien comme une relation de partenariat visant à déployer les solutions pédagogiques adaptées à l'entreprise (audience, culture, stratégie...). C'est cette vision partenariale qu'Horisis Conseil met au service de ses partenaires depuis 2005.
« Manager dans ce nouveau monde, dans cette nouvelle culture, implique des choses sur le socle de compétences pour tout le management et pour tous les collaborateurs. » Nicolas Hernandez, 360Learning.
Dans tous les cas, quelle que soit la modalité de diffusion des connaissances, une formation peut rapidement être prise comme une contrainte, voire subie, si l'apprenant n'a pas été consulté en amont. Même si certaines formations sont incontournables dans une carrière professionnelle, elles seront toujours plus profitables, pour le salarié comme pour l'employeur, si elles ont été anticipées. Pour Nicolas Hernandez, « L'engagement des collaborateurs est une dimension forte des cultures d'entreprise qui a été laissée de côté. » Ainsi, le recueil des besoins est une étape indispensable, tout comme la communication. Faire du « teasing » sur une formation, en la présentant via une diffusion digitale en interne, des quizz d'introduction, ou même une présentation présentielle à l'occasion d'une réunion ou d'un afterwork, permet de faire connaître la formation et de ce fait, de susciter un intérêt et une envie d'y participer.
L'implémentation de formations permet de faire le pont entre communication, outils et connaissances. Elle requiert donc une (ou des) ressource dédiée, qui sera l'interlocuteur des différents acteurs de la formation.
Source: latribune.fr
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